On nous avait promis une immigration « choisie ». On nous avait juré que la France, forte de ses accords bilatéraux, attirerait les meilleurs profils, les compétences dont elle manquait, les talents capables d’enrichir son économie. Résultat ? L’immigration tunisienne, qui explose depuis vingt ans, dépasse désormais l’Algérie et le Maroc en rythme de croissance, mais sans produire les fruits tant vantés par les apprentis sorciers de l’intégration réussie.
La note de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie est implacable : plus de 52 % d’augmentation en moins de vingt ans. Des titres de séjour délivrés à la chaîne, au point que les Tunisiens disposent aujourd’hui du plus haut ratio de régularisation par habitant parmi tous les pays du Maghreb. Et pourtant, l’intégration économique reste calamiteuse : près de 35 % des Tunisiens présents en France ne travaillent pas, n’étudient pas et ne sont pas à la retraite. Plus de 40 % n’ont aucun diplôme. Voilà pour le bilan de « l’immigration de travail » vantée hier par Nicolas Sarkozy et ses successeurs.
Pis encore : la France n’expulse pas. La Tunisie rechigne à reprendre ses clandestins, mais Paris n’ose pas imposer un véritable rapport de force. 13.000 Tunisiens en situation illégale interpellés en 2024, mais seule une poignée éloignée. On menace, un temps, de réduire les visas ? Tunis hausse les épaules. Et comme la France s’est volontairement enchaînée aux règles de Schengen, refuser un visa ne sert à rien : il suffit d’aller le chercher ailleurs en Europe pour revenir à Paris par la grande porte.
Les chiffres disent tout : 38 % des titres de séjour sont accordés pour « motifs familiaux ». C’était précisément ce que la fameuse « immigration choisie » devait contenir. Or, comme toujours, la rhétorique a masqué la réalité : derrière le discours sur l’immigration de travail se cache la poursuite implacable de l’immigration familiale et clandestine.
Au fond, la situation tunisienne illustre l’échec général de la politique migratoire française : un pays qui distribue les papiers mais ne sait pas les retirer, qui signe des accords mais n’exige aucune contrepartie, qui subit davantage qu’il ne choisit. Pendant ce temps, les difficultés d’intégration s’accumulent, et la France, débordée, se condamne à importer des problèmes qu’elle ne sait plus résoudre.