Crise des valises : la France et l’Algérie s’enlisent

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Paris et Alger s’étaient habitués à leurs brouilles périodiques, mais cette fois, c’est une crise froide d’un genre nouveau qui s’installe. Après le durcissement voulu par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, les relations entre les deux pays viennent de franchir un nouveau cap : celui de l’affrontement ouvert sur le terrain sensible de la diplomatie.

Le point de départ ? Une décision discrète mais explosive : interdire à des agents de l’ambassade d’Algérie à Paris d’accéder aux zones réservées des aéroports pour récupérer les valises diplomatiques. Un geste fort, perçu à Alger comme une atteinte directe à la convention de Vienne. En réponse, l’Algérie applique le « principe de réciprocité » : la France est désormais privée des mêmes privilèges dans les ports et aéroports algériens. Une escalade symbolique, mais aux conséquences concrètes pour les chancelleries, les consulats, et des milliers de citoyens binationaux.


Ce conflit dépasse largement les valises. Bruno Retailleau assume une ligne de fermeté inédite : restreindre les privilèges des responsables algériens, limiter l’accès au territoire français des élites accusées de « dénigrer la France », forcer le retour des clandestins sous OQTF que l’Algérie refuse toujours de reprendre. Côté algérien, on dénonce une politique « contre-productive », notamment dans le dossier sensible de l’écrivain Boualem Sansal, dont l’arrestation devient l’otage de cette tension bilatérale.

Les critiques pleuvent aussi à Paris. Le Quai d’Orsay n’a pas été informé de la manœuvre. La décision a été prise unilatéralement par l’Intérieur, sans coordination. Un ministre agit, l’administration diplomatique découvre, l’Élysée subit. Alger en tire une conclusion amère : le pouvoir macronien est fragmenté, incohérent, incapable d’imposer une ligne claire.

Le quotidien algérien Echorrouk enfonce le clou : la France serait désormais « paralysée par une coalition gouvernementale ingérable ». Et dans les faits, la situation empire. Les documents officiels bloqués, les rotations consulaires suspendues, les services paralysés des deux côtés de la Méditerranée : c’est une guerre froide administrative qui prend forme.

En toile de fond, l’inertie présidentielle. Emmanuel Macron, enfermé dans ses calculs internationaux et ses rééquilibrages politiciens, n’a pas les mains libres, ni pour désavouer Retailleau ni pour assumer pleinement la rupture promue par le ministre de l’Intérieur français. L’Algérie en profite, temporise, durcit. Et pendant ce temps, les relations se grippent.

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