C’est devenu une tradition aussi française que le bal des pompiers ou les flonflons des feux d’artifice : la promotion du 14 juillet de la Légion d’honneur. Chaque année, l’État distribue ses rubans rouges comme d’autres distribuent des bonbons à la sortie de l’église. Cette fois encore, ils sont 589 à recevoir les honneurs de la République, dont une bonne partie pour leur « investissement dans l’intérêt général ». Rien que ça.
Dans le lot, on retrouve de tout : des anciens ministres recyclés, des figures de plateau télé, des stars du divertissement, quelques scientifiques — pour la forme — et, bien sûr, les intouchables icônes du moment, couronnées pour leur capacité à cocher toutes les cases de la bien-pensance contemporaine.
Sophia Aram et Marc Levy : la médaille du conformisme
On pourrait en rire si ce n’était pas si révélateur. L’humoriste Sophia Aram, connue surtout pour son antipathie obsessionnelle envers tout ce qui ne pense pas comme elle, reçoit le ruban de chevalier. Peut-être pour services rendus à la cause gouvernementale ? Quant à Marc Levy, l’écrivain des plages et des salles d’attente, il est aussi à l’honneur. On attend avec impatience Guillaume Musso l’an prochain, ou la biographe de Nabilla.
Le progressisme en sa majesté
Dans cette distribution bien huilée, le progressisme a ses héros. Gisèle Pelicot, élevée au rang de chevalier, incarne la nouvelle icône féministe, récompensée pour avoir médiatisé un procès de violences sexuelles — avec tout le respect dû à sa souffrance, on ne peut que s’interroger sur le glissement entre douleur personnelle et remise de médaille.
L’incontournable Pharrell Williams, chanteur américain, décroche aussi la timbale. La France ne sait plus comment faire preuve de servilité culturelle devant ses idoles états-uniennes. Qu’a-t-il fait pour la République ? Mystère.
Ministres décorés pour bons et loyaux services
Il ne faut pas oublier les copains du gouvernement. Éric Dupond-Moretti, Stanislas Guerini, Stéphane Le Foll, Olivier Véran : tous chevaliers. On récompense ici le zèle, la fidélité, et parfois même… l’obstination dans l’échec. Bruno Le Maire, qui nous aura expliqué avec brio pourquoi l’inflation est temporaire, grimpe officier. On suppose que la gestion économique catastrophique aura été jugée digne d’honneur.
Et pour ne pas oublier les grands corps de l’État, Alexis Kohler, bras droit de Macron et homme de l’ombre de la Macronie, est également promu. Discret, mais puissant. Et maintenant, décoré.
Quelques figures méritantes noyées dans le lot
Parmi les décorés, citons l’exception : l’ancienne résistante Yvette Levy, élevée grand officier, ou encore l’astrophysicienne Françoise Combes. Des femmes d’exception, au parcours réel, au service du savoir ou du souvenir. Mais elles sont les arbres qu’on plante pour cacher la forêt des courtisans.
La Légion d’honneur ? Une distinction qui honore surtout les réseaux
Autrefois, recevoir la Légion d’honneur avait un sens. On l’accordait pour faits d’armes, pour un service exemplaire à la Nation, pour un mérite acquis par le travail, le courage, le dévouement. Aujourd’hui, on la distribue comme on signe des décrets, dans une logique de communication, de renvois d’ascenseur et de validation idéologique.
589 médailles, donc. Mais combien réellement méritées ? Combien relèvent du spectacle, du message politique, ou de la complaisance envers le pouvoir ? À force de vouloir honorer tout le monde, on finit par ne plus honorer personne.
Et à force de décorer les vedettes du prêt-à-penser, on transforme l’ordre national du mérite en simple vitrine du régime.