Vendredi 11 juillet, le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées, a prononcé un discours très attendu sur la situation stratégique de la France face à la menace russe. Cette prise de parole précède celle du président Emmanuel Macron, annoncée pour dimanche, qui doit définir les nouvelles orientations de la politique de défense nationale.
Dès l’ouverture de son intervention, le général Burkhard a rappelé que la Russie avait publiquement désigné la France comme son premier adversaire européen. Pour lui, la Russie constitue une menace durable, dotée de capacités militaires complètes et disposant d’un appareil de guerre hybride multidimensionnel : cyber, spatial, maritime, informationnel.
Une armée russe structurée, endurante et agressive
Le général Burkhard a dressé le portrait d’une puissance militaire russe intacte, malgré ses pertes en Ukraine. Sur le papier, l’armée russe dispose de toutes les capacités conventionnelles et nucléaires requises pour une confrontation de haute intensité : artillerie à longue portée, brouillage électronique, guerre de l’information, défense antiaérienne stratifiée, forces sous-marines. A cela s’ajoute une dissuasion nucléaire que Moscou continue de privilégier dans ses dépenses militaires.
Au-delà de la technique, Burkhard insiste sur une caractéristique culturelle : la capacité du peuple russe à endurer des souffrances inenvisageables ailleurs. Le conditionnement idéologique de la jeunesse, relancé sous Vladimir Poutine, consolide ce modèle d’un État à la fois centralisé et répressif.
Un affrontement multichamp : espace, cyber, fonds marins
Le chef d’état-major a longuement décrit les formes de l’agression russe contre la France et ses alliés : campagnes de désinformation massives sur internet, satellites militaires russes manoeuvrant autour des engins européens, incursions de sous-marins en Atlantique et en Méditerranée, vols stratégiques à proximité de l’espace aérien français.
Dans les airs comme sous les mers, les frictions se multiplient. Sur les théâtres d’opérations extérieures, à l’Est de l’Europe comme en Afrique, la France est confrontée à des formes d’intimidation directe ou indirecte par des proxys russes.
La France en ligne de mire
Parmi les opérations russes citées : la campagne de faux sites de recrutement militaire, les mises en scène macabres sur le sol français (comme les cercueils devant la Tour Eiffel), ou encore les rumeurs massives diffusées sur les réseaux sociaux. Selon Burkhard, ces actions visent la France en priorité car Moscou l’identifie comme pilier de la résilience européenne.
Dans l’espace informationnel, ces manipulations ont un impact réel sur la perception de l’opinion publique. L’armée française tente donc d’améliorer sa capacité d’attribution et de dénonciation de ces attaques, en lien étroit avec ses partenaires de l’OTAN.
L’Ukraine, pivot de la sécurité européenne
« La sécurité de l’Europe se joue en Ukraine », a résumé le général. Une victoire russe entraînerait, selon lui, une défaite de l’ordre international défendu par l’Occident. La guerre d’Ukraine est existentielle pour Moscou, dont l’objectif affiché reste la déstabilisation de l’Union européenne et la remise en cause de l’OTAN. En réaction, la France et le Royaume-Uni renforcent leur leadership militaire dans le cadre d’une « coalition des volontaires ».
Une menace persistante jusqu’en 2030 et au-delà
Malgré les pertes enregistrées par la Russie sur le front ukrainien, l’armée russe pourrait, selon les estimations françaises, reconstituer son potentiel militaire d’ici 2030. La Russie est donc appelée à rester une menace permanente, dans un monde marqué par l’emploi décomplexé de la force, la déstabilisation de l’ordre international, l’inflation informationnelle et l’impact géostratégique du changement climatique.
Le général Burkhard a appelé à une mobilisation renforcée des Européens, dans la continuité de l’engagement américain mais avec une responsabilité propre accrue. L’Europe doit renforcer sa préparation, sa capacité industrielle de défense, et son aptitude à réagir dans tous les champs de la guerre moderne.