Pauvreté record : la « France d’en bas » n’est plus une métaphore

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Il n’y a plus besoin d’aller chercher dans les archives de l’après-guerre pour mesurer l’ampleur du déclassement : il suffit d’ouvrir le dernier rapport de l’Insee. Jamais, depuis 1996, le taux de pauvreté n’avait été aussi élevé en France. 15,4 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Presque un Français sur six. On croyait avoir touché le fond, mais il semble que le pays ait encore du lest à perdre.

Et pendant ce temps, les gouvernants discourent. On annonce des « concertations », des « grandes causes », des « pactes de refondation ». Les chiffres, eux, ne parlent pas. Ils crient.


Un pays riche qui s’appauvrit

La France est l’un des pays les plus fiscalisés de l’OCDE. Elle compte parmi les puissances économiques mondiales. Pourtant, 9,8 millions de personnes vivent avec moins de 1288 euros par mois. Et ce chiffre ne tient même pas compte des SDF, des ultramarins, ni des personnes institutionnalisées. Autrement dit, c’est une estimation basse.

Dans les faits, la pauvreté s’installe, se durcit, se banalise. Elle ne se cache plus dans les replis urbains ou les zones rurales oubliées. Elle touche les jeunes, les travailleurs précaires, les familles monoparentales, les indépendants essorés. Elle s’invite dans les foyers modestes qui, hier encore, parvenaient à « tenir ».

Des aides suspendues, une réalité effondrée

Le pouvoir explique benoîtement : c’est l’effet de la fin des aides exceptionnelles mises en place pendant l’inflation. Certes. Mais alors, à quoi tenaient donc les équilibres sociaux du pays ? À une indemnité ponctuelle ? À une rustine sur une fracture structurelle ? On commence à en douter sérieusement.

Car ce ne sont pas seulement les aides qui manquent, c’est un cap, une volonté, une stratégie de protection nationale. Les chiffres de l’Insee révèlent un double phénomène : les pauvres deviennent plus pauvres, et les riches deviennent plus riches. Non pas à cause du hasard, mais parce que le système est organisé ainsi.

Les classes moyennes deviennent pauvres, les pauvres deviennent invisibles

Les familles monoparentales plongent, les chômeurs s’enfoncent, les jeunes désespèrent. Et pendant ce temps, les retraités sont légèrement épargnés par la tempête, grâce à la fameuse revalorisation du minimum contributif. Un petit geste qui tient davantage de l’amortisseur électoral que d’une politique sociale globale.

Plus grave encore : les inégalités atteignent un niveau historique, selon l’Insee. Mais cette fois, tout le monde semble s’en accommoder. Ni réforme sérieuse, ni volonté de redressement. Juste des constats, des micro-mesures, et des débats feutrés dans les hémicycles. Pendant que dans les immeubles HLM ou les zones pavillonnaires en périphérie, on se chauffe moins, on mange moins, on s’inquiète plus.

Des chiffres et des silences

Le gouvernement promet une réduction de la pauvreté « sur dix ans ». Autrement dit : après les deux prochains quinquennats. Comme toujours, on repousse à plus tard ce qu’on refuse d’affronter aujourd’hui. Le pragmatisme technocratique masque mal l’épuisement d’un modèle social français autrefois envié, aujourd’hui exsangue.

L’ex-Fondation Abbé-Pierre tire la sonnette d’alarme, les associations parlent d’inaction politique, mais personne ne les écoute vraiment. Ce n’est pas faute de chiffres. C’est faute de volonté.

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