La scène se passe à Vendôme, dans une école primaire au nom emblématique : Jules Ferry. Le père de l’école laïque. Le rêve républicain. Et, dans un cartable de CE2, trois couteaux de table. Pas pour tartiner la confiture. Non : pour « tuer la maîtresse ».
Neuf ans. CE2. L’âge des crayons de couleur, des tables de multiplication… ou du passage à l’acte prémédité, en équipe, contre une enseignante. On croit lire une mauvaise blague. Et pourtant, ce n’est pas une fiction dystopique, c’est la France de 2025. C’est ici. Et maintenant.
Les couteaux sont à bout rond, nous précise-t-on avec le sérieux rassurant d’un communiqué de préfecture. On respire. Pas de lame effilée, donc. L’enfant n’est qu’un apprenti criminel mal équipé. Qu’on se rassure, il n’y a pas eu « passage à l’acte », ni tentative. Simple velléité de meurtre sur personnel enseignant. Rien de bien grave. Pas de poursuite pénale envisagée : l’auteur est trop jeune. Il bénéficie, selon la justice, de cette protection magique qu’offre notre droit à ceux dont l’âge tient sur un chiffre.
Mais ce que l’on tait, c’est l’origine profonde de ce naufrage. Un gamin de neuf ans rêve de poignarder son institutrice, à trois. Ce n’est pas de la turbulence, ce n’est pas un « incident isolé », c’est un symptôme. Celui d’une école qui ne tient plus rien, ni personne. D’un corps enseignant livré aux caprices de familles débordées, de gamins abandonnés à des écrans, à la violence, au vide. D’un État qui fait semblant de ne rien voir pour éviter d’avoir à nommer le mal.
Pendant ce temps-là, les enseignants, eux, ont peur. Ils apprennent à vivre avec la menace. Et les ministères, de leur côté, nous sortent des plans de lutte contre « le harcèlement scolaire » et « l’incivilité » en milieu éducatif. On les comprend : c’est plus chic que de parler de tentatives d’assassinat.
On nous répète que l’enfant n’a pas « tenu le couteau », qu’il n’a pas « appuyé ». C’est vrai. Mais ce n’est peut-être qu’une question de temps.
Une société qui regarde des enfants rêver d’égorger leurs maîtres avec le même fatalisme qu’on regarde passer la pluie mérite le sort qui lui pend au nez. Une école qui tolère cela, même une fois, sans frémir jusqu’aux tréfonds de sa hiérarchie, est une école qui a déjà capitulé.
Mais dormez tranquilles, braves gens. La République veille. La preuve ? On a fait une évaluation sociale.