400 millions pour empêcher le plafond de tomber sur la tête des spectateurs : bienvenue à Bastille, cathédrale socialiste de la subvention à perte.
Inauguré en grande pompe le 13 juillet 1989, entre deux coupes de champagne et trois discours sur la culture pour tous, l’Opéra Bastille devait incarner l’idéal mitterrandien d’un art démocratisé. Il est surtout devenu le symbole d’une mégalomanie ruineuse doublée d’un échec esthétique.
Même Mitterrand n’aimait pas la bête. En 1986, contemplant la maquette avec Marguerite Duras, il lâche, lucide : « L’Opéra Bastille, je n’aime pas. » Et il n’y est quasiment jamais retourné. On le comprend.
Un opéra pour le peuple, dit-il… sauf que ce sont les riches qui s’y installent, subventionnés à 123 € la place.
Le contribuable, lui, n’a pas le choix : il paie. L’État injecte près de 100 millions d’euros par an pour faire tourner la machine. En clair, chaque place achetée à Bastille coûte à l’État 123 € de plus. On vous parle d’un temple « populaire » ? C’est de la redistribution à l’envers : les classes moyennes financent les soirées lyriques des CSP+ du VIe arrondissement.
Et pour quoi ? Pour un bâtiment moqué pour son esthétique de parking souterrain, dont les tubes fluorescents du plafond rappellent les néons d’un supermarché Carrefour des années 80. Pire encore : la scène menace de s’écrouler. Il faudra donc 400 millions d’euros et deux ans de fermeture, nous dit Rachida Dati, tout juste réveillée par la réalité patrimoniale du ministère.
Mitterrand voulait marquer l’histoire. Il l’a fait : d’une tâche de béton au bilan comptable abyssal.
Les chiffres donnent le vertige : 784 millions d’euros pour construire le monstre en 1989 (valeur actuelle), auxquels on projette d’ajouter… 400 millions de rénovation ! Résultat ? Un cube grisâtre, mal fichu, trop vaste, trop froid, où même les spectateurs du second balcon ne voient pas les chanteurs. Et pendant ce temps, on ferme des classes, on rationne les hôpitaux et on impose aux Français la rigueur budgétaire.
Mais rassurez-vous, tout va bien : les bâches publicitaires sur Garnier rapporteront 28 millions d’ici 2030.
La France culturelle version techno-bureaucratique : on subventionne des fauteuils en velours, mais on vend des bâches moches pour équilibrer les comptes. Tout cela serait risible si ce n’était pas tragique.
Mitterrand a eu son opéra, la France a eu la facture. Trente-six ans plus tard, ce qui devait être un symbole de modernité est devenu un fardeau de béton, de dettes et de déni architectural. Il y avait Bastille la prison : Mitterrand a fait construire Bastille l’opéra. Ironie de l’histoire, c’est encore une fois le peuple qui trinque.