L’Algérie, cette éternelle victime du pillage culturel, vient de frapper fort. Très fort. Si l’on en croit son ministre de la Communication, Mohamed Meziane, le Maroc aurait tout volé : les chansons, les tenues, l’architecture, les hommes de science, l’histoire… et, sacrilège suprême : le couscous.

Oui, vous avez bien lu. Après avoir prêté au colonisateur tous les maux de la terre, l’Algérie officielle découvre aujourd’hui que le véritable fléau de son identité nationale s’appelle… le Maroc. Et le plus grand crime commis par ce voisin de l’ouest ? S’approprier les boulettes de semoule, ce joyau national, ce trésor gastronomique millénaire apparu – tenez-vous bien – selon « une étude française du début du siècle dernier », quelque part entre deux mirages de souveraineté.

Il fallait oser. Ils l’ont fait.

Tordre l’histoire, plier la géographie, réécrire les partitions et travestir les traditions : le régime algérien ne recule devant rien pour se fabriquer un récit national cousu de fil blanc. Et puisque tout leur manque, autant tout réclamer.

Le ridicule ne tue pas, surtout à Alger. En revanche, il s’enseigne. Et pour ce faire, on falsifie à tour de bras le contenu de Wikipédia, comme si les guerres d’édition sur une encyclopédie collaborative allaient suffire à réécrire mille ans d’histoire. C’est le nouvel eldorado de la souveraineté made in Meziane : si c’est en ligne, c’est à nous.

Et puisque les chansons ne suffisent pas, il faut élargir le butin : caftan, thé à la menthe, artisanat, poésie populaire… Même Cheb Khaled n’échappe pas aux soupçons de trahison. À ce rythme, on s’attend à voir le ministre de la Culture réclamer la paternité du tajine, du Sahara, voire de l’Andalousie toute entière.

Mais le clou du spectacle, c’est l’accusation formulée en toute solennité : le Maroc aurait profité de la décennie noire pour « voler tout ce qui est algérien », comme un cambrioleur de civilisations qui, dans un geste malicieux, aurait embarqué en douce l’identité algérienne pendant que le pays se débattait dans la terreur islamiste.

Tragi-comédie ? Opérette ministérielle ? Plutôt un syndrome très courant chez les régimes qui, faute d’exploits contemporains à raconter, se réfugient dans la fabulation passéiste. Le régime algérien, englué dans son immobilisme, n’a plus que la contrefaçon historique pour occuper ses porte-parole.

Pendant ce temps, au Maroc, on bâtit, on rayonne, on exporte son soft power, pendant qu’Alger réquisitionne les archives de l’imaginaire et s’invente des origines qu’elle n’a jamais eues.

Il est temps que le pouvoir algérien comprenne une chose simple : on ne construit pas une identité sur la jalousie ni un État sur la falsification. Et surtout : on ne gagne pas une guerre culturelle avec une cuillère de couscous à la main.