La télévision du futur vient d’atterrir… dans les années 80. Pas celles de Canal+, mais plutôt celles de la Pologne socialiste. T18, la nouvelle chaîne « d’info et de débats » lancée vendredi soir par Daniel Křetínský, a accouché d’un lancement d’une tristesse saisissante. Sourires gênés, décor low-cost, discussions soporifiques : la promesse était d’élever le débat. Résultat, on s’est surtout élevé de son canapé pour éteindre la télé.

À la régie, Denis Olivennes, entouré d’une poignée de dirigeants qui ont activé, au sens propre, un levier. Symbolique et poussif. Derrière ce théâtre d’ombres, le milliardaire tchèque s’est offert, pour trois fois rien, une chaîne « mini-généraliste » où le progressisme s’étale dans toute sa tiédeur.

Culture de la sieste et débats de salon

Premier sujet de société ? La charge mentale. Premier visage d’opinion ? Raphaël Enthoven. Premier effet produit ? Le sommeil. T18 n’informe pas, elle endort. Elle ne provoque rien, elle susurre. Dans un paysage médiatique où CNews électrise et C8 dynamitait, Křetínský propose la lavande et le lait tiède. Avec 30 millions d’euros et des ambitions dignes d’un centre culturel de sous-préfecture, l’objectif est clair : faire plaisir à l’Arcom, et surtout ne déranger personne.

Mais le subterfuge est grossier. On nous dit que T18 veut « faire progresser les esprits ». En réalité, elle sert une soupe tiède aux relents de conformisme. Pas de débats vraiment contradictoires. Pas de voix dissidentes. Juste assez de « diversité » pour cocher les cases, pas assez pour provoquer l’intérêt. C’est France 5 sans le budget, Arte sans la classe, LCP sans les questions gênantes.

Un lancement mou, une ligne molle, un avenir flou

Ce qui choque le plus, c’est cette manie, toujours la même, des nouveaux entrants dans le paysage audiovisuel de faire allégeance au politiquement correct avant même d’avoir dit bonjour aux téléspectateurs. C’est à croire que l’Arcom a déjà rédigé leur ligne éditoriale. Et pour cause : avec une orientation aseptisée et bien-pensante, pas de risque de sanctions, pas de menaces de coupure de fréquences, pas de batailles judiciaires. Křetínský a bien retenu la leçon Bolloré : pour avoir la paix, il faut plaire au système.

Derrière ce vernis d’indépendance, des noms qui rassurent les rédactions parisiennes, tous bien installés, bien domestiqués. Une chaîne qui ose sans oser, qui parle sans rien dire, qui débat sans froisser. Voilà le chef-d’œuvre télévisuel que l’Arcom voulait, et que Křetínský lui a offert sur un plateau de 12 mètres carrés.