Depuis le XVIe siècle, les Barbaresques ont modifié leur stratégie. Au lieu de razzier les populations des îles et des côtes de la Méditerranée comme ils le faisaient auparavant, provoquant ainsi les expéditions punitives de Charles Quint, ils se sont maintenant tournés vers la guerre de course, capturant sans scrupule les navires marchands provenant des ports français.« Le Consulat ne peut plus supporter de tels agissements qui compromettent les transports maritimes indispensables aux liaisons avec les théâtres des campagnes outre-mer, notamment en Égypte ou aux Antilles… Il importe donc de mettre la Régence d’Alger à la raison, par une action diplomatique de préférence à une expédition militaire. »

Bonaparte durcit le ton, mélangeant menace et diplomatie. Dans le rapport détaillé établi par Talleyrand, ministre des relations extérieures, sur la situation vis-à-vis d’Alger, il est dit que « le chargé d’affaires demande satisfaction et ne l’obtient pas ; on ose lui faire des propositions offensantes à la dignité du peuple français : on veut que la France achète l’exécution du traité ! » En d’autres termes, le respect par Alger du traité du 28 décembre 1801 exige du gouvernement français le versement d’une somme de 200.000 piastres. Cette méthode rappelle celle des Barbaresques qui ne libèrent leurs captifs qu’en échange d’une rançon. Bonaparte ne manque pas de faire connaître l’attitude d’Alger auprès de Selim, sultan éclairé et réformateur, afin de solliciter les Turcs par une pression diplomatique.

« Je débarquerai 80 000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre régence »


Le 27 juillet (8 thermidor), la crise atteint son paroxysme. Depuis la Malmaison, Bonaparte écrit au dey en menaçant de « détruire Alger et de s’emparer de toute la côte d’Afrique », proclamant en substance: « Je vous fais également connaître mon indignation face à la demande que vos ministres ont osé faire, que je paie 200.000 piastres. Je n’ai jamais rien payé à personne… Et si Dieu ne vous a pas aveuglés pour vous conduire à votre perte, sachez ce que je suis et ce que je peux faire. Si vous refusez de me donner satisfaction, je débarquerai 80.000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre régence, car je ne tolérerai pas que vous traitiez mon pavillon comme vous traitez celui des petites puissances du Nord et des petites puissances d’Italie… »

Le 6 août 1802, une escadre française sous les ordres du contre-amiral Leisseygues se met en route pour Alger. Partie de Toulon, elle est envoyée par Bonaparte Premier consul, porteuse d’un message délivré par le lieutenant-commandant Hulin pour le dey d’Alger, Mustapha-Pacha.

Le 18 août, l’état-major de l’escadre débarque et est reçu avec déférence par le dey dans le plus magnifique kiosque des jardins de la Régence. Le dey change de ton, présente des excuses, affirme « le désir de vivre en bonne intelligence avec la République française », et répond point par point aux objurgations du Consulat. »

Voila comment un véritable chef d’Etat fait respecter la France.

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