Il est des chefs de gouvernement qui passent comme des météores : un mandat fragile, des coalitions qui explosent, une popularité qui s’effondre au premier vent contraire. Et puis il y a Giorgia Meloni. Trois ans après son arrivée au Palazzo Chigi, la présidente du Conseil italien a non seulement déjoué tous les pronostics, mais elle a imposé un style, une cohérence et une solidité politique qui forcent le respect – y compris chez ses adversaires.
Dans une Italie habituée à l’instabilité chronique – la durée moyenne d’un gouvernement depuis 1946 est de quatorze mois –, tenir trois ans relève déjà de l’exploit. Meloni a fait mieux : elle a installé la droite au pouvoir avec une légitimité populaire incontestable et une assise parlementaire claire, sans bricolages ni marchandages honteux.
La stabilité par la fermeté
Ceux qui pensaient voir une « femme de droite radicale » incapable de gouverner se sont trompés. Giorgia Meloni a fait ce que ses prédécesseurs n’ont jamais osé : tenir ses alliés d’une main ferme, sans les humilier, et maintenir l’unité de la coalition. Salvini peut bien fanfaronner, Forza Italia peut jouer la carte centriste : Meloni laisse parler, mais c’est elle qui décide. Discipline interne, respect externe : c’est la marque d’une stratège.
Chaque matin, ses ministres reçoivent une feuille de route claire, fixée par ses conseillers. Pas de cacophonie, pas d’improvisation. Elle a compris que gouverner, c’est d’abord donner une direction et interdire la dispersion.
Une popularité intacte
Là où Macron chute, où Scholz s’effondre, où Sánchez vacille, Giorgia Meloni conserve une cote d’adhésion insolente : 37 % de popularité personnelle, plus qu’au soir de sa victoire. Son parti, Fratelli d’Italia, tutoie toujours les 30 % d’intentions de vote. En d’autres termes, les Italiens ne se lassent pas : ils lui font confiance, et envisagent même de lui confier dix ans de pouvoir.
Ce capital politique, elle ne le gaspille pas en querelles intestines ou en réformes technocratiques qui fracturent le pays. Elle a choisi quelques priorités simples et lisibles : la sécurité, la maîtrise de l’immigration illégale, la défense de l’identité nationale, la stabilité budgétaire. Et elle s’y tient.
Une voix européenne et atlantiste
À l’international, Giorgia Meloni a imposé une Italie audible. Elle a rappelé que son pays n’était pas condamné à la marginalité diplomatique. Ses positions sont claires : fidélité à l’Otan, défense de l’Occident, dialogue avec les grandes capitales sans renoncer à ses convictions. Contrairement à tant de leaders européens englués dans une technocratie molle, elle parle vrai, dans un anglais et un français impeccables, et sait choisir ses combats.
Face aux pressions européennes sur le « Green Deal », elle a freiné. Face aux oukases sur l’immigration, elle a résisté. Face aux illusions fédéralistes, elle a rappelé son credo : une Europe des Nations, pas une bureaucratie hors sol. Et c’est précisément cette ligne qui séduit au-delà même de son camp : la clarté d’une dirigeante qui défend d’abord son peuple avant de se soucier de plaire aux commissaires bruxellois.
Une communication maîtrisée
Contrairement à Berlusconi qui saturait les écrans, Giorgia Meloni cultive la rareté. Pas de verbiage médiatique, pas d’interviews à répétition. Elle choisit ses moments, ses terrains, ses mots. Elle préfère galvaniser ses militants, haranguer ses foules, plutôt que se perdre dans les chausse-trappes des journalistes. Et cela fonctionne : chaque discours devient un événement, chaque apparition une démonstration de force.
Sa rhétorique, vibrante, populaire, souvent ironique, lui permet de ridiculiser une opposition fragmentée et impuissante. Elle s’impose comme la voix des oubliés, des familles modestes, des Italiens lassés des élites corrompues et des technocrates distants.
Un pari pour l’Histoire
Trois ans de pouvoir, déjà un cap franchi. Quatre ans, et elle battra les records de longévité gouvernementale en Italie. Mais Giorgia Meloni vise plus haut : tenir toute la législature, puis enchaîner. Elle rêve de dix ans au Palazzo Chigi. Et pourquoi pas ? Les Italiens n’ont jamais eu un exécutif aussi stable depuis des décennies.
Bien sûr, des épreuves l’attendent : un référendum sur la réforme constitutionnelle de la justice, la pression migratoire qui ne faiblit pas, les tensions européennes sur la dette. Mais elle a déjà montré qu’elle savait résister aux tempêtes.
L’Histoire retiendra peut-être que c’est une femme, venue de la droite honnie, qui a enfin donné à l’Italie ce dont elle manquait depuis soixante-dix ans : la continuité, la clarté et l’honneur.