Il aura donc fallu quatre longues années d’égarement idéologique, de quotas masqués et de discrimination sociale inversée pour que Sciences Po commence – timidement – à retrouver le chemin de l’exigence. Depuis la suppression du concours écrit en 2021, l’école la plus emblématique de la méritocratie républicaine avait choisi de s’aligner sur les lubies du temps : sélection sur dossier, entretiens biaisés, survalorisation de l’« engagement » militant – comprendre « avoir manifesté pour la planète ou pour Gaza à 15 ans » – et mise à l’écart méthodique des élèves issus des lycées d’excellence, notamment privés.
Mais l’utopie égalitariste a ses limites. Et cette année, surprise : Louis-le-Grand revient en tête avec 11 admis, Franklin, longtemps banni du paradis progressiste, envoie 4 élèves, et Henri-IV résiste. Le retour discret mais réel de l’élite intellectuelle, celle qui lit, écrit et pense au lieu de réciter le catéchisme woke.
C’est que l’école rue Saint-Guillaume, éreintée par les frasques de ses étudiants propalestiniens et la démission d’un directeur dépassé par les évènements, n’a plus les moyens de ses illusions. Finie la surenchère idéologique, place – en apparence du moins – à un critère plus objectif : la note du bac de français, soudain érigée en juge suprême. De 7 à 8 %, on passe à 60 %. Un virage ? Une manœuvre de façade ? Peut-être un peu des deux.
L’actuel directeur, Luis Vassy, a compris que la décadence d’une institution commence quand elle rejette ceux qui la faisaient briller. Il s’est donc empressé de rassurer les lycées d’élite : vous êtes toujours les bienvenus – pourvu que vous ne brandissiez pas une kippa ou que vous ne disiez pas trop fort que vous croyez à l’effort individuel.
Sciences Po s’est longtemps cru invincible, intouchable, pionnière d’un monde nouveau où l’égalité formelle remplaçait la compétence réelle. Mais à force d’écarter les meilleurs pour recruter les plus bruyants, on vide l’amphithéâtre de son intelligence pour le remplir de slogans. Et quand tout cela finit par se voir, on rectifie le tir. Lentement. À regret.
Alors, retour à la méritocratie ? Prudence. L’annonce d’un retour du concours écrit en 2026 laisse espérer un vrai sursaut. Mais pour combien de temps ? Tant que la gauche culturelle tiendra les cordons des jurys, les fils du réel risquent encore d’être tissés à l’envers.
