Ils étaient plus de 19 000 cette année. Vêtus de capes de scouts, chaussés de bonnes bottes, le rosaire à la main et le sac sur le dos, ils ont quitté Paris à pied pour rejoindre la cathédrale de Chartres, cent kilomètres plus loin, portés par la ferveur, la prière, le chant grégorien… et une volonté de témoigner, à contre-courant, que la foi catholique n’est pas morte. Voilà le crime.
Ce 43e pèlerinage de Pentecôte, organisé par Notre-Dame de Chrétienté, est devenu le plus grand rassemblement de catholiques dits « traditionalistes » en Europe de l’Ouest. Et cela dérange. Au lieu de saluer une jeunesse priant en silence, marchant en chantant, confessant sa foi à la lueur des flambeaux, certains s’emploient à discréditer l’événement, comme s’il était honteux, subversif ou rétrograde. La faute ? La messe en latin. Le rite tridentin. La fidélité à un héritage que l’Église elle-même semble vouloir enterrer.
Depuis Rome, l’agacement monte. Le Vatican a rappelé à l’ordre les évêques français : il faut freiner cette ferveur trop visible, trop nombreuse, trop « rigide », selon les mots désormais consacrés dans les hautes sphères ecclésiales. En clair : cette France catholique qui se prosterne sur les chemins de Chartres ne plaît pas. Elle n’entre pas dans les cases d’un catholicisme tiède, dépolitisé, dilué dans la sociologie et le relativisme.
Mais il faudra plus qu’un courrier romain pour dissuader ces marcheurs. Sur les routes de Beauce, des familles entières avancent avec humilité et courage. Des enfants découvrent le silence sacré. Des prêtres confessent à genoux dans l’herbe. Des chants latins s’élèvent au-dessus des champs. Ce n’est pas une protestation, c’est une offrande.
Alors, oui, la messe finale sera célébrée dans la majesté gothique de la cathédrale, avec l’accord — discret — de Mgr Christory. Le rite, lui, restera celui de toujours. Celui d’avant les bricolages liturgiques, d’avant les micros dans le chœur, d’avant les guitares et les applaudissements. Un rite millénaire que des milliers de jeunes redécouvrent avec émerveillement — et que des cardinaux en cravate veulent faire taire.
On parle de désobéissance ? Mais qui désobéit vraiment ? Ceux qui gardent la foi transmise par leurs pères ou ceux qui la renient au nom d’une modernité molle ? L’Église n’est pas une dictature, dit Philippe Darantière, président de Notre-Dame de Chrétienté. Il a raison. Mais elle n’est pas non plus un club mondain. Elle est un peuple en marche. Et ce peuple, cette France invisible mais vivante, continue de marcher vers Chartres — pendant que d’autres s’enfoncent dans l’oubli.
Le pèlerinage de Pentecôte n’est pas un repli. C’est une résistance. Une résistance priante, joyeuse, disciplinée. Une France qui marche, non pas pour fuir le monde, mais pour ne pas en perdre l’âme.