Je suis né en dictature.

J’ai vécu en dictature jusqu’à l’âge de vingt-six ans.

Je sais ce que c’est. Je sais comment ça s’installe.

C’est très simple, quoique pensent les optimistes irrécupérables. Étonnamment simple. Et quand elle est là, on ne la chasse pas en écrivant des articles – aussi brillants, aussi virulents soient-ils. D’ailleurs, il y a un temps où les articles, on ne les écrit plus que pour soi-même.

Interdictions absurdes et obligations humiliantes sont faciles à imposer.

On vous laisse vivre ; on vous défend seulement d’exister. Tout est dans cette nuance tragique.

Vous n’êtes plus qu’un dossier dans lequel s’accumulent résolutions et notes informatives. La bureaucratie répressive étend son ombre sur vous, vous contrôle ; vous ne pouvez rien contre elle. Mais elle peut prendre d’autres formes, elle peut même, en décorant joliment sa vitrine, faire semblant de ne pas être ce qu’elle est. Cela ne change rien à sa substance misérable. Il y a tant de manières d’écraser les gens !

Les temps derniers, ce que j’ai vécu se retrouve de plus en plus dans ce que nous vivons. Autrement, mais pareil. Pour toutes ces raisons, désormais, j’ai peur.

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